Le personnage historique
Le Vercingétorix (prononcer "Ouer-kingueto-rix") de nos livres d'Histoire porte un nom qui signifie "chef suprême des guerriers". Ce nom, comme tous les noms gaulois, se rapporte à une qualité physique ou morale ou à une fonction. Celui-ci n'a dû lui être attribué qu'au moment où il prit la tête de l'insurrection qui soulèvera toute la Gaule contre Rome. Nous ignorons quel était son nom auparavant.
Nous savons peu de choses de l'enfance de Vercingétorix. Né dans une famille aristocratique puissante à une date inconnue, il est le fils de Celtillos qui avait exercé le principat sur toute la Gaule et qui fut mis à mort par le clan arverne pro-romain pour avoir voulu rétablir la royauté. Sa famille ne perdit cependant pas ses biens et ses privilèges. Comme beaucoup des jeunes nobles des peuples alliés à Rome, il semble qu'il ait fait partie du contingent arverne aux côtés de l'armée romaine dans les 5 premières années de la Guerre des Gaules. Il y aurait appris les techniques de combat de ses futurs ennemis et aurait fait partie du cercle des proches de César. Il devait avoir au moins une vingtaine d'années au moment du soulèvement.
Nous ignorons les raisons qui le conduisirent à changer de camp. Au cours de l'hiver 53, les druides et les principaux chefs des peuples de la Gaule, réunis dans la forêt des Carnutes, appellent à l'insurrection contre le "grand-frère" romain qui a tendance à se comporter de plus en plus comme un occupant, s'incrustant de gré ou de force chez ses alliés, vivant à leurs crochets et se mêlant de leurs affaires intérieures et religieuses. Vercingétorix est choisi pour prendre la tête des insurgés et il est dans un premier temps chassé de Gergovie par son oncle Gobanitios, chef du parti pro-romain, qui n'a pas hésité à faire condamner à mort son propre frère, Celtillos, comme il a été dit précédemment. Très vite, Vercingétorix voit grandir le nombre de ses partisans et des milliers de combattants, venus de toute la Gaule le rejoignent. De retour à Gergovie il chasse Gobanitios et ceux qui le soutiennent et est proclamé roi des Arvernes.
La rupture avec Rome est définitive et la guerre inévitable.
Le déroulement des évènements jusqu'à la défaite d'Alésia est décrit en détail sur la page consacrée à la Guerre des Gaules.
Les représentations anciennes de Vercingétorix
Deux peintres du 19e ont représenté Vercingétorix au moment de sa reddition à Alésia : Henri-Paul Motte et Lionel Royer. Ces deux toiles, abondamment reproduites dans les manuels scolaires, ont profondément imprégné la mémoire de plusieurs générations d’écoliers français, imposant une image du vaincu d’Alésia bourrée d’anachronismes et d’erreurs et cependant bien installée dans les esprits.
Vercingétorix se rendant au camp de César
Vercingétorix devant César
Lionel Royer
D’autres représentations comme la statue d’Aimé Millet érigée sous le règne de Napoléon III à Alésia ou celle réalisée par François-Auguste Bartholdi qui se dresse Place de Jaude à Clermont-Ferrand sont tout autant inexactes et fantaisistes. Elles continuent malgré tout à être présentées dans les manuels d’histoire ou dans les médias comme des portraits fiables de Vercingétorix.
Statue d'Aimé Millet à Alésia
Statue équestre de François-Auguste Bartholdi
place de Jaude à Clermont-Ferran
Les seules représentations d’époque sont celles qui figurent sur les rares monnaies arvernes frappées à son nom qui nous sont parvenues. On peut constater que les quatre visages sont différents et ce visage glabre, à la chevelure bouclée, ou coiffée d’un casque pour une des pièces ne cherche pas à être un portrait fidèle de Vercingétorix.
Les peintres et les sculpteurs du 19e siècle ont utilisé les documents scientifiques de l’époque et les anachronismes de leurs représentations sont dûs aux lacunes typologiques de l’archéologie naissante qui était alors plus le fait d’antiquaires et d’amateurs d’objets anciens que de scientifiques rigoureux. Ils ont fait de leur mieux en se référant aux connaissance scientifiques accessibles alors. Leurs erreurs sont involontaires et viennent d’une documentation incomplète et fragmentaire par rapport à celle qui est la nôtre. Les armes, les bijoux, les objets figurant dans leurs oeuvres sont parfaitement authentiques et fidèlement reproduits mais ne correspondent pas à la période historique choisie.
Que ce soient les peintures ou les sculptures, toutes nous montrent Vercingétorix portant une cuirasse de bronze qui s’inspire des cuirasses décorées de Marmesse (52) datées de la fin de l’Age du Bronze vers le 9e ou 8e siècle avant J.C. Les épées sont des épées en bronze datées de l’Age du Bronze moyen ou final et donc antérieures de plusieurs siècles à la guerre des Gaules. L’épée de la statue de Bartholdi est également une épée de bronze à antennes de l’âge du Bronze moyen. Le casque en tôle de bronze à crête avec pointes est daté de l’Age du Bronze final au 8e siècle avant notre ère. Seul le bouclier de la place de Jaude est à peu près conforme !
Epée à antenne et cuirasse en bronze de Marmesse (52)
Age du Bronze moyen et final
Casques en bronze à crête avec pointes
Age du Bronze final
Le mythe
"Vercingétorix devant César" de Lionel Royer
Le tableau de Lionel Royer est un intéressant bric-à-brac mélant les armements de plusieurs périodes. On y retrouve la cuirasse en bronze de Marmesse (1), des épées, fourreaux et lances de l’Age du Bronze et des épées à antenne villanoviennes (2), un assortiment de casques à crêtes et à pointes de l’Age du Bronze de différents pays (3), des sabres et boucliers visiblement inspirés de l’armement des armées mahométanes des croisades (4), une copie conforme du bouclier d’apparat de Battersea du 1er siècle avant notre ére (5), des phalères en bronze (6) de la Tène ancienne trouvées en Champagne (5e-4e siècle avant notre ère) décorant le harnachement du superbe cheval anglo-arabe de Vercingétorix. Quant à son cheval, on sait par les fouilles archéologiques récentes que les chevaux gaulois étaient de petite taille et ne ressemblaient en rien aux purs-sangs de grande taille nés des mélanges de races de chevaux modernes.
La réalité?
Concernant l’aspect physique de Vercingétorix, tableaux et sculptures le représentent portant les cheveux longs et une moustache plus ou moins abondante dite “à la gauloise”. On sait que la statue de Millet a le visage de Napoléon III, hommage (volontaire ou imposé ?) de l’artiste au commanditaire de l’oeuvre (Napoléon III a payé la statue sur sa cassette personnelle). Celle de Bartholdi a un profil plus farouche. La monnaie de Vercingétorix nous montre un visage plutôt juvénile, joufflu, aux traits stylisés, sans moustache et sans barbe, à la chevelure bouclée plus ou moins longue selon les différents exemplaires. Il est difficile de croire qu’il s’agit là d’un portrait fidèle et exact du personnage. Il s’agit sans doute plutôt, comme pour la plupart des visages figurant sur les monnaies gauloises, d’un portrait héroïsé et symbolique reprenant les stéréotypes stylistiques de l’époque mais dont le sens nous échappe. Le récit de César ne comporte aucune description de Vercingétorix. Il y a tout lieu de penser qu’il n’aurait pas manqué de souligner des différences notables par rapport à l’aspect physique des Romains si ça avait été le cas. Le fait qu’il n’en parle pas laisse plutôt supposer que Vercingétorix, comme la plupart des aristocrates gaulois de son époque, depuis longtemps en contact avec le mode de vie des Romains ne se distinguait en rien de ceux-ci. Si les Gaulois ont pu effectivement porter moustaches et cheveux longs à des périodes plus anciennes, ce n’était plus le cas au moment de la guerre des Gaules.
Quel armement ?
La lance équipait les fantassins et les cavaliers. Les fers de lance sont de taille et de forme variable. Certaines pointes ajourées et de grande taille semblent avoir eu plutôt une fonction d’enseigne que d’arme. La lance n’est pas une arme de jet, on la garde à la main pour affronter l’ennemi. C’est une arme d’estoc destinée à trouer la peau de l’adversaire et utilisée dans le combat rapproché par les fantassins.
- L’armement défensif se compose de trois éléments : la cotte de maille - le bouclier - le casque
Le bouclier gaulois de forme ovale allongée est plat. Ses dimensions sont d’environ 1,10 m de long et de 0,50 à 0,60 m de large. Le bouclier gaulois était entièrement réalisé en matériau organique (bois et cuir) à l’exception de la protection métallique couvrant la partie centrale, l’umbo, les rivets de fixation, la gouttière métallique qui protège les bords, l’orle, et une plaque métallique qui recouvre la poignée en bois, le manipule.
Il est fabriqué d’un entrelacs de fines lamelles de bois fibreux, aulne, frêne ou peuplier. Ce lamellé-collé offre légèreté, souplesse et résistance aux chocs. L’épaisseur de la planche montre des variations sensibles : de 10 à 17 mm dans la partie centrale et de 5 à 10 mm au niveau des bords. La spina est l’élément qui donne de la raideur à la planche. La spina (épine) est taillée dans un bois blanc (peuplier, tilleul) qui résistera mieux à l’écrasement et à l’éclatement qu’un bois plus dense. Elle a la longueur de la planche. Dans la partie centrale, le renflement est évidé aux dimensions de la main. L’umbo est une pièce métallique qui protège la main. La forme de l’umbo évolue au cours de la période celtique et c’est d’ailleurs un élément de datation important.
Le bouclier est une partie essentielle de l’armement celte. La poignée (manipule) horizontale permet une utilisation dynamique et autorise de puissantes percussions du tranchant.
Quel "look" finalement pour Vercingétorix ?
-Physique : cheveux courts et sans moustaches. Aucun élément sur la couleur de ses cheveux ou de ses yeux ne permet d'en dire plus.
-Armement : une cotte de maille, un casque en fer avec couvre-nuque et couvre-joues, une épée en fer et son fourreau du même métal, une lance, un bouclier ovale avec umbo en ailes de papillon.
Ces illustrations de Peter Connolly donnent une bonne image de l’aspect que pouvait avoir Vercingétorix et tous les autres combattants gaulois de la Guerre des Gaules. Nous sommes loin des peintures et des sculptures présentées au début de ce chapitre !